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La Petite Trotte à Léon 2009

Publié le par Runningman

PTL 2009: ''Ah Léon s’lest refaite …''

31.08.09

Auteur: JiPi Runningman Lüthi

Ultra Trail du Montblanc, La Petite Trotte à Léon (PTL) 2009

Rappel : la PTL ? Késako ?

Entre ultra-trail et ultra-randonnée, la "Petite Trotte à Léon" est une épreuve sportive par équipe " indissociable " de 3 personnes qui consiste à réaliser un grand tour du Mont-Blanc d'environ 250 km pour environ 18 000 mètres de dénivelé positif. L’exploit sportif et humain est remarquable : 250 km c’est Paris – Bruxelles, c’est aussi la distance de six marathons à la suite. Le dénivelé positif représente quatre fois l’ascension de l’Everest depuis le camp de base. Et ceci en moins de 100 heures (temps imposé par l’organisation)!  

Ce parcours non balisé, tracé sur une carte remise à chaque équipe, évoluera dans les trois grands pays alpin: France, Italie, Suisse.  

Souvent à plus de 2500 mètres d’altitude elle empruntera des cols mythiques (col du Bonhomme (2329m), col des Fours (2756m), col de la Seigne (2747m), col du Brévent (2525m), des sommets réputés (Haut Pas (2859m), Tête de Licony (2916m), le Cheval Blanc (2830m), le Buet (3096m), avec une extension vers le Grand St Bernard (3237m) et le Barrage d’Emosson (2205m). Un parcours 100% montagne et nature avec moins de 5km de routes goudronnées.

Cette " ultra randonnée ", réservée aux coureurs confirmés (au moins deux équipiers doivent avoir fini l’épreuve UTMB) se déroule en autonomie complète avec un accès aux quelques refuges situés sur le parcours, pour se ravitailler et prendre un moment de repos. Toute assistance personnelle est interdite, en quelque point du parcours que ce soit.

Les sentiers empruntés sont souvent difficiles et peuvent présenter des dangers objectifs (pentes très raides, risque de chutes de pierres, sentiers très étroits, traversée d’éboulis, risque de s’égarer sur des sentiers peu visibles…).En cas de mauvaises conditions météorologiques, à plus de 2500m, les conditions peuvent être extrêmement difficiles. Un équipement obligatoire comprenant notamment une tente de bivouac et une trousse de secours ainsi qu’un équipement personnel permettant de faire face aux conditions rencontrées est imposé et contrôlé par l’organisation.  

Des barrières horaires seront définies et communiquées dans le road-book. Ces barrières horaires seront calculées afin d’arrêter les équipes trop lentes pour pouvoir accomplir l’intégralité du parcours dans le temps imparti.

Le salaire de la peur...

„Il y aura eu des survivants …“. C’est avec ces paroles, qui en disent aussi long que la distance parcourue par les vaillantes équipes qui ont terminé, que le directeur de course PTL, Jean-Claude Marmier, salua en ce dimanche après-midi les « survivants » lors de l’ultime cérémonie de remise des prix de cette édition UTMB 2009 qui sera en même temps de clôture à Chamonix.

Avec une distance horizontale d‘environ 240 km et un dénivelé vertical d‘environ 17.500 m (+/-), la dernière, la plus difficile et plus longue des compétitions dans le cadre de l‘UTMB arriva à son terme après un peu plus de 114 heures. Après avoir pris part à la 1ère édition de 2008 et terminé avec le sourire et aussi grâce à l’aide de mes camarades Pat et Zems, nous avons donc décidé de remettre le couvert et de relever à nouveau ce défi, qui plus est maintenant que la distance et les difficultés avaient augmenté. Etant joueurs dans l’âme et surtout de grands gamins, nous avons donc tout naturellement accepté l’offrande, non sans nous être préparés en conséquence en effectuant ni plus ni moins que la „Grande Traversée des Alpes“ au cours du mois de juillet, reliant en un peu plus de 15 jours, les rives du Léman (St. Gingolph) à la Méditerrannée (Menton). Périple alpin via le fameux GR5, pour une distance de 550km et quelques +/- 32’000m de dénivelée positive et autant en négatif. Cet échauffement devrait nous permettre d’affronter sans aucune crainte l’ogre PTL 2009 annoncé.  

55 équipes de 3 se sont donc présentées le mardi 25.08.2009 sur le coup des 22h00 sur la désormais célèbre Place du Triangle de l’Amitié à Chamonix en vue d’entamer la toute grande boucle autour du plus célèbre capuchon alpin. Comme en 2008, le principe des patrouilles est simple: patrouilles indissociables du départ à l’arrivée.  Ce pour des raisons de sécurité d’une part mais aussi pour renforcer l’esprit de corps. La sécurité reste un maître mot vu les dangers évidents que peut représenter la haute montagne et la majorité des tracés situés en moyenne à plus de 2’500m. d’altitude. Outre un équipement personnel obligatoire assez conséquent, les équipes doivent emporter une tente pouvant être rapidement montée et pouvant abriter les 3 coéquipiers en cas de dégradation subite des conditions météorologiques. Vous l’aurez deviné, les sacs à dos PTL arrivent rapidement à un poids moyen oscillant entre 8 et 12 kg. Pas grand-chose à voir avec la quête de l’ultra léger chère aux participants des diverses autres courses proposées sur l‘UTMB.

Adoptant l’adage qui veut qu’on ne change pas une équipe qui « gagne », l’équipe qui avait réussi à terminer l’édition 2008 malgré des conditions spéciales au vu des petits ennuis de santé rencontrés par Zems s’est donc remise en selle, forte de l’expérience acquise lors de l’exercice 2008.

La remise des dossards, de la balise Argos permettant de nous suivre en direct ou presque, le dépôt des sacs d’allègement avec des vêtements de rechange que nous retrouverons du côté italien, à Morgex (km 96), le briefing d’avant course et la Pasta-Party se sont enchaînés et le mardi a donc passé à la vitesse grand V. Tant et si bien que l’heure du départ va bientôt sonner. Un dernier petit semblant de somme et nous voilà déjà dans le portillon de départ sur le coup des 21h30.

Ah Léon y retourne....

L’atmosphère est unique. Un mélange de musique de Vangelis comme fond sonore, les regards tout de même emplis d’une sorte d’appréhension, de respect devant le morceau à avaler, un semblant de bonhommie et de décontraction mélangés font que même les plus aguerris se sentent parcourus d’une sorte de frisson indescriptible. Les encouragements guerriers du directeur de course et le nombreux public accouru pour nous encourager y sont aussi pour quelque chose. Une dernière accolade avec mes camarades, histoire de sceller ce lien indéfectible et la meute est lâchée. C’est parti mes amis! Plus qu’un tour!

James prend à nouveau un départ très (trop) rapide en talonnant littéralement la voiture de police qui nous ouvre la route à travers Chamonix. Nous peinons à le rattraper avec Pat et craignons surtout un remake de l’édition 2008 qui nous avait rendu la tâche encore plus difficile, comme si besoin en était. Après quelques rappels à la sagesse et une fois le public étant devenu plus clairsemé, le rythme se calme enfin et nous abordons déjà les sous-bois menant aux „ Gaillands“ à la sortie de Chamonix. Le tracé initial de cette édition emprunte l’itinéraire de l’UTMB et ne représente donc pas de difficultés particulières jusqu’aux Houches. Nous attaquons à présent la coriace montée sur le Col de Voza puis la descente en direction des Contamines. Comme redouté et pile à l’heure, soit 50 minutes après le départ, les prévisions de nos amis de meteociel.fr annonçant les précipitations, s’avèrent particulièrement exactes. Il pleut d’abord gentiment puis de plus en plus fort. Le tout accompagné d’éclairs zébrant le ciel et de coups de tonnerre assez monstrueux. La pluie s’intensifie dans la montée sur Voza et cela va durer un peu plus de 3 heures.

Cool….tout baigne !

Nous ne nous laissons pas démonter pour autant et poursuivons notre chemin à la lueur de nos frontales et dans la bonne humeur malgré tout. Nous atteignons rapidement Les Contamines (km 25) et la pluie a maintenant cessé. De bonne augure avant la longue et difficile montée sur le Refuge de Balme puis les Lacs Jovet et le Col d´Enclave (2.667 m). Le Col d´Enclave est un véritable mur de schiste glissant au travers duquel nous devons deviner un semblant de sentier. Qui plus est, il fait encore nuit. La pente est sévère et il nous faut nous méfier des chutes de pierres possibles, pouvant être provoquées par inadvertance par les concurrents nous précédant. On le savait déjà mais il vaut la peine de se le répéter, c’est pas roulant du tout du tout. Bref, sans vouloir se moquer, rien à voir avec l’UTMB ou toute autre course !

Enclave.jpg

Col d'Enclave

Le jour pointe le bout de son nez alors que nous atteignons le sommet de cette 1ère grosse difficulté. Les nuages ont cédé la place au soleil et un petit coup de fatigue s’est insinué dans nos yeux. Nous entamons à présent le sentier escarpé menant de la Grande Ecaille au Refuge Robert Blanc (2.760 m), lequel est littéralement vissé aux flancs de la montagne et uniquement visible après une montée aussi courte qu’interminable dans de gros blocs. Nous avons « déjà » avalé 41 km et décidons de nous octroyer une pause bienvenue afin de nous restaurer et de nous reposer la moindre. Vu l’état de fatigue naissant, nous optons de concert pour un arrêt de 1h45 que nous mettrons à profit pour dormir en dortoir. Décision qui va s’avérer très sage et surtout qui nous permettra de repartir dans de bonnes conditions physiques.

R.Blanc.jpg

Nous repartons donc de bon pied sur le sentier en devers et en terrain glaciaire nous menant à présent au Col de la Seigne. Il s’agit tout de même d’avoir le pied alpin car certains passages sont plus ou moins scabreux. Le risque de chute ou de vilaine blessure reste concret. Des chaînes et câbles tendus nous permettent de franchir certaines rimayes en terrain ardoiseux pour rejoindre le Col de la Seigne et l’Italie toute proche. 10km sont ainsi parcourus en presque 3 heures !

Neve-Robert-Blanc.jpg

 

Nous filons dès lors sur le Col des Chavannes, le Col de Pointe Rousse et ensuite sur le Col de Bassa Serra. Les divers sentiers parcourus proposent des variantes plus ou moins techniques. Tantôt le sentier se veut pédestre, difficile, sans réelle trace, fait de tronçons d’escalade ou encore par dessus d’immenses blocs , gravas et éboulis à l’approche du Petit-St.-Bernard (km 62).

Ce dernier représente la particularité d’être un poste de contrôle et de passage obligatoire, mais aussi un des rares postes de ravitaillement à proprement parler. Le Col offre aussi la possibilité pour ceux qui le désirent, de se ravitailler chaudement et copieusement au Ristorante Piccolo San Bernardo. Des lits de camp sont montés sous une tente à proximité mais nous n’en ferons pas usage, préférant poursuivre notre périple conformément à notre tableau de course, savamment concocté par notre grand maître Escalator, Pat himself ! Nous sommes bien dans la cible et selon nos prévisions, nous devrions atteindre le Refuge Deffeyes (km 80) sur le coup des 22h ou 23h. Après avoir ingurgité une bonne assiette de pâtes et une bonne bière au Restaurant local, nous repartons donc de bon pied pour 17 km et environ 1’200m de montées supplémentaires.

Nous tablons sur 4 à 5 heures d’efforts car outre les premiers hectomètres parcourus sur les pistes de ski, nous devrons encore surmonter le Col de la Louie Blanche (2.591 m) puis la descente sur les cascades du Rutor et enfin la remontée sur le Refuge Deffeyes.

Le terrain ne représente aucune difficulté particulière et nous parvenons assez rapidement au Col de la Traversette puis au pied des contreforts du Col de la Louie Blanche (2.591 m). La montée se fait à un rythme soutenu malgré la verticalité du sentier (+400m sur 1km) !.

Parvenus au sommet, nous nous restaurons brièvement et entamons la difficile descente sur de gros blocs de rocs en direction du Lac Bellecombe avant de retrouver ce qu’il convient d’appeler un sentier digne de ce nom et plus roulant. On devine encore avec le soleil couchant, le glacier de Planaval, le glacier du Rutor et ses cascades qui se fracassent dans un vacarme assourdissant au fond de cette combe. Chouette, le refuge ne doit plus être très loin me laissé-je penser. Grave erreur et preuve que la fatigue s’est doucement installée car nous commençons par redescendre sur 300m afin de retrouver le sentier qui doit nous mener au fameux Graal, le Refuge Deffeyes (2.494 m).

Refuge-Deffeyes.jpg

La nuit s‘est installée et nous sommes toujours en progression dans cette pente qui semble interminable. Il est 22h00 et comme prévu, nous sommes arrivés au refuge tant espéré, précédés par James qui nous a faussé compagnie dans cet ultime montée de la journée. Une bonne bière, un excellent repas (soupe de légumes et pâtes) accompagné d’un petit verre de vin rouge et hop, au lit.Il est 23h30, la nuit et le sommeil seront réparateurs à plus d’un titre après 24 heures de randonnée, ce malgré les concours de pets et ronflements, exercices dans lesquels certains tirent particulièrement leur épingles du jeu. Nous avons avalé quelques 80km et environ 4’800m de dénivellation positive et autant en négatif ! Le réveil et le p’tit déjeuner sont agendés pour les 4h30 du matin. Le départ est fixé à 5h30 au plus tard, histoire de profiter du jour levant et de la fraîcheur ambiante car les prévisions nous annoncent un soleil radieux et donc, une sorte de cagnard pour la plus grande partie de la journée et les quelques 38km nous séparant du Refuge Bonatti.

Il est 5h30 et nous nous mettons en route en direction du Passo Alto (2.869 m). Il s’agit d’abord d’une sévère montée à travers un pierrier impressionnant et lugubre puis d’une non moins technique descente sur d’immenses blocs de pierres sur lesquelles il faut se guider au moyen des rares traces visibles.

Passo-Alto.jpg 

Nous ne progressons pas très vite, même plus lentement qu’en montée, c’est peu dire de la difficulté du terrain mais nous avançons tout de même correctement à présent sur ce versant de la Vallée d’Aoste. Passé cet écueil, il nous reste environ 10km pour atteindre Morgex, sur une pente moyenne de 14,5 % afin d’atteindre l’altitude de 884 m. Nos genoux et cuisses nous communiquent leur satisfaction à chaque pas.

Morgex et sa salle de sport nous attendent avec nos sacs d‘allègement. Il est 10h30 du matin et la température ambiante est déjà très élevée. Vite sous la douche bienvenue après 36h de sueurs diverses puis au repas. Nous nous ravitaillons en conséquence car le prochain tronçon sera tout autre qu’une partie de plaisir, qui plus est avec cette chaleur.

Les sensations sont excellentes (si j’ose dire) et après avoir rechaussé nos outils de travail que sont notre sac à dos, nos habits tous frais et nos chaussures de sport aux effluves animales, nous reprenons notre périple alpin en direction du Rifugio Luigi Pascal, sis sur la Tête de Licony. Il est presque midi. Pour vous permettre de vous faire une idée de la suite de notre parcours, celui ou celle qui a déjà pris le départ de l’UTMB ou de la CCC de Courmayeur et qui connait la montée en direction du Rifugio Bertone, peut aisément imaginer ce que j’entends par montée sévère. La seule différence réside dans le fait que celle-ci s’arrête dès lors après 800m de montée pour les premiers cités. En ce qui nous concerne, ce sont ni plus ni moins que 2’000m de montée en plein soleil qui nous attendent maintenant sur un peu moins de 10km! Licony.jpg

Nous rassemblons donc nos meilleurs esprits et progressons à vitesse régulière dans les contreforts de cette pente jusqu’à atteindre la crête menant tout droit au minuscule Refuge Luigi Pascal et la Tête de Licony (2.914 m). Rapide coup d’œil alentour pour apprécier le panorama offert sur le massif du Mt.-Blanc versant italien mais aussi sur celui du Gran Paradiso. Somptueux ! Le vent souffle assez violemment et nous nous remettons rapidement en route dans la vertigineuse descente en direction du lac Licony puis la plongée technique dans le Val Sapin. 900m de dénivelée assez raide avant de remonter 500m pour atteindre le Col Sapin. La chaleur aidant, nos réserves d’eau s’amenuisent rapidement. Un torrent bienvenu nous permettra de refaire le plein avant la remontée sur ledit Col Sapin. Une pastille de Micropur afin de stériliser et purifier le précieux liquide, un peu de patience et le tour est joué. Nous sommes à présent au lieu-dit Pas d’Entre-deux-Sauts, que nous avions déjà franchi en 2008 alors que le tracé nous emmenait au Col de Malatra. Il fait encore jour et il nous reste environ 8 km avant le prochain arrêt pour la nuit, prévu au Rifugio Bonatti. James nous a à nouveau précédés de quelques minutes et en a profité pour nous commander cette fameuse bière qui va étancher notre puissante soif. Bref contrôle de la bécane, tout va bien, pas de cloques, pas de blessures, juste une forte odeur de sueur nauséabonde et un peu beaucoup de fatigue tout de même. Nous faisons le bilan du jour et remarquons que tout se déroule de manière optimale. L’accueil est très hospitalier, nous connaissions déjà les lieux pour y avoir dormi lors de la PTL 2008 mais aussi dans le cadre de l’UTMB. Une bonne douche, un excellent souper et quelques bières plus tard, nous voilà plongés dans un profond sommeil que rien ni personne ne viendra troubler jusque vers 3h du matin. Petit déjeuner copieux avant de repartir de bon pied sur le coup des 4h du matin à la lueur de nos frontales en direction d’Arnuva (1’737m) en empruntant à nouveau une partie du tracé (déjà balisé) de l’UTMB et de la CCC.

Bonatti.jpg

Notre allure est élevée et nous courrons à présent comme si la course venait de débuter. Nous empruntons le début de la montée du Grand Col Ferret puis bifurquons pour nous retrouver dans une sente herbeuse puis dans un pierrier sans fin assez pentue pour rejoindre le Col du Ban Darray (2.695 m). Il est 6h30 du matin. Nouveau franchissement de frontière pour nous retrouver en terre Helvète. Il n’est pas forcément évident de nous situer dans ce vallon long et sauvage car le chemin n’existe pas vraiment. Le torrent à notre droite nous servira de main courante jusqu’à l’altitude de 1.955 m et le passage vers le lieu-dit « Les Ars ». Passage déjà emprunté lors de reconnaissances et randonnées. Nous repérons aisément la difficile montée sur le Col du Névé de la Rousse (2.752 m).

Nous avions déjà emprunté ce col lors de la PTL 2008 mais en venant du Col du Grd. St.-Bernard cette fois. Même si le franchissement du Col de l’Arpalle avait pu sembler technique en 2008, la perspective de cette verticale à avaler cette année ne me semblait guère plus enchanteresse. Mais à quoi bon me lamenter, allons-y gaiement et ça ira bien. Nous parvenons à nos fins à force de ténacité et nous octroyons un bref ravito au sommet. Place maintenant à la descente dans la magnifique et sauvage Combe de l’A en direction du refuge de la La Tsisette. Refuge également partenaire lors de l’édition précédente et que nous ne verrons malheureusement pas cette année. Quid des vaches de combat mais aussi et surtout de la bonne bière et du saucisson tant rêvés à cette heure avancée.

Le tracé 2009 nous expédie cette fois plus à l’ouest sur le Collet de Revedin (2.510 m) par delà des pâturages fleuris et dans lesquels les vaches semblent se demander qui sont ces curieux bipèdes avec leur allure dégingandée et leur drôle d’harnachement, tentant de rallier le bourg du Prayon dans le Val Ferret Suisse. Après une montée sans difficultés, je me rappelle au bon souvenir du briefing et du roadbook, lesquels nous ont mis en garde devant la difficulté du sentier redescendant précisément sur Le Prayon au départ du Collet de Revedin. Le sentier est alpin, aérien même, il s’agit d’être concentré et d’éviter tout faux pas en certains endroits à pics.  Ce tronçon nous a carrément été interdit de nuit et nous sommes donc tout heureux de le franchir en cette matinée ensoleillée. Nous allons ainsi redescendre de près de 1’000m. pour aller nous sustenter.

Le petit restaurant local est déjà bien bondé entre les coureurs et les rares randonneurs mais nous parvenons à trouver une table pour savourer nos désormais traditionnelles bières et un bon plat de pâtes suivi d’une bonne glace. La pause est bienvenue et la bonne humeur règne en maître entre les équipes. Déjà un bon bout de fait (150km) se plaît-on à se répéter, sans doute pour s’encourager mutuellement ? Le plein de forces et de liquidités étant fait, nous reprenons notre pèlerinage en traversant la Dranse de Ferret pour rejoindre à nouveau le tracé UTMB sur quelques kilomètres.

Le sentier est agréable mais cela ne vas pas durer et après une pause biologique bienvenue, nous entamons la dernière grosse difficulté du jour avec la montée en direction de la Cabane d´Orny. Sympathique montée affichant tout de même environ 1’640m de dénivelée en plein soleil à ajouter dans nos organismes tout de même bien entamés. La cabane d’Orny se situe à 2.651 m d’altitude mais nous n’aurons hélas pas le loisir d’y passer pour un bref arrêt.

Nous profitons du jour pour progresser rapidement en direction de La Breya sur un sentier panoramique en balcon très agréable et pas trop technique avant d’attaquer la descente sur les pistes de ski du domaine de Champex (1.444 m) pour atteindre l’Auberge du Bon Abri sur le coup des 19h00. Nous sommes bien dans les temps et largement en avance sur la barrière horaire. Nous allons pouvoir nous restaurer gracieusement et nous reposer dignement pour mieux repartir dès 3h du matin en direction du Val d’Arpette et du Col de la Fenêtre d’Arpette (2.665 m), qui représente tout de même un sacré morceau, de plus à jeun ou presque immédiatement au saut du lit. Nous avons récupéré un coureur dont l’équipe s’est désintégrée au fil de la course. Il souhaite tout de même poursuivre l’aventure et demande s’il peut se joindre à nous. Ce que nous acceptons immédiatement avec plaisir. Bienvenue Laurent, nouveau compagnon de route.

Nous repartons donc à quatre de Champex avec les yeux encore un brin collés et notre corps se demandant pour quelle raison il devait subir ce traitement de choc à répétition. L’allure est un brin trop rapide pour moi et je peine à suivre mes petits Léons. Le petit déjeuner avalé à la hâte n’est sans doute pas encore tout à fait assimilé. Sur mon injonction, mes camarades acceptent enfin de ralentir un peu, ce qui me permet de rassembler tous mes esprits et de reprendre rapidement du poil de la bête. Une fois encore, le fait de connaître parfaitement la configuration des lieux nous permet de progresser rapidement et nous arrivons au lever du jour à la fameuse et unique Fenêtre d’Arpette. Photo de l’équipe, coup d’oeil sur le glacier du Trient puis nous entamons la descente, technique au début, en direction du Chalet des Glaciers. Pat, James et Laurent ont effectué cette longue et pénible descente comme des chamois en fuite. Ils vont devoir patienter quelques minutes jusqu’à mon arrivée en douceur. Heureusement ils ne m’en tiendront pas rigueur. De là, nous bifurquons pour le Col des Grands et faisons une petite halte au Refuge éponyme pour y boire un petit café. Il est 7h du matin et nous repartons en direction du Col de Balme puis de la longue descente en direction de Vallorcine. Tout est déjà monté pour la CCC et l’UTMB mais bien entendu nada pour nous autres. Pas grave, nous prenons d’assaut le buffet de la Gare et avalons une énorme assiette et un dessert copieux. Il est midi lorsque nous reprenons notre ballade en direction des Chalets de la Loriaz. Nous croisons les Célestinettes une fois encore avec leur bonne humeur habituelle. Elles font une petite sieste à l’ombre des sapins. James a à nouveau pris la poudre d’escampette selon leurs dires. Pat et mézigue ne nous laissons pas démonter pour autant, confiants en nos capacités à le rattraper bientôt. James est victime d’un « coup de mou », il accélère donc. Allez comprendre ! Parvenus aux Chalets de la Loriaz, nous ingurgitons en vitesse une bière bien fraîche et poursuivons en direction du Barrage d’Emosson. Ça va bien et nous dépassons quelques équipes chancelantes. Il fait très chaud.

La motivation est intacte, la forme est bonne malgré la distance restant à parcourir jusqu’au Refuge du Moëde d’Anterne ou nous passerons la dernière nuit avant de redescendre sur Chamonix. Bref, planning en ordre et conforme aux attentes jusqu’ici. Nous atteignons le barrage et poursuivons en direction de la Cabane du Vieux Emosson (2.173 m). La montée est rapide et nous nous permettons donc une brève halte à la cabane pour nous sustenter avec de succulentes tartes aux myrtilles faites maison. Un café, une bière (encore) et nous nous remettons en chemin le long du lac dans un décor magnifique. La température fraîchit et nous accélérons la cadence en vue d’arriver au sommet du Buet (point culminant de l’épreuve à 3‘100m) avant la nuit. Après avoir longé le lac du Vieil Emosson, nous abordons la montée sur le Cheval Blanc (2.816 m). Quelques câbles et chaines nous permettent de franchir ce dernier assez rapidement en compagnie d’un trio italien fort sympathique. Arrivés au sommet, le spectacle est grandiose et le terrain semble parsemé de paillettes d’or. Nous sommes sur le Col du Génévrier. Rien de très aérien ni vertigineux pour l’instant. J’ai bien dit pour l’instant. Ça ne pouvait pas être si simple ni durer encore ad aeternam. La journée s’écoule rapidement à présent et le tronçon à venir sur l’arête pour atteindre le sommet du Buet n’augure rien de bon pour mes compagnons de cordée. Oui cordée, car ce sont maintenant des câbles et chaines qui slaloment entre les rochers. De part et d’autre le vide est bien présent ( !). Va falloir rassembler tous ses esprits car la journée fut longue et pénible et la fatigue se fait ressentir. Il est 19h30. Le soleil devrait aller se reposer vers 20h00. Nous avons donc assez de temps pour franchir cet obstacle naturel. J’ouvre la via ferrata en m’agrippant aux chaines et câbles et en m’efforçant de rester plaqué contre la paroi. Non que je sois tétanisé par la peur mais tout simplement pour en terminer au plus vite. Les bâtons que je tiens en main me gênent mais je fais avec. James, Laurent et Pat me suivent, non loin. Je parviens au sommet de cette arête et profite de la vue sur le massif du Mt.-Blanc qui s’offre à mes yeux émerveillés. Mes 3 mousquetaires me rejoignent et nous nous félicitons de cette perf‘ à grands cris de joie et de soulagement non dissimulés. Pat et James en tremblent encore et un petit remontant partagé avec nos compères transalpins s’avère de circonstance. 2 randonneurs postés sur le sommet en terminent avec leur fondue au fromage. Mince ! A quelques minutes près nous aurions pu en déguster une partie. Il est presque 20h et la pénombre s’installe rapidement. Il va falloir se remettre en route en direction du Vallon de Bérard, du Col de Salenton, des Willy d’Anterne en vue d’atteindre notre ultime refuge en soirée. La lune est presque pleine et les cimes enneigées offrent un spectacle unique pendant de longues minutes encore.

Il s’agit à présent d’une très longue descente piégeuse car le sentier est peu marqué dans cet éboulis. Ce qui devait arriver arriva donc et nous perdons la trace menant au Col du Salenton. Nous percevons au loin des frontales mais nulle trace d’un sentier quelconque. A force de tergiverser, nous décidons donc d’attaquer la descente frontalement, droit dans le pentu. C’est assez sportif et le fait de skier littéralement dans les ardoises et le schiste a le don de nous dégourdir les jambes. Après quelques longues minutes et quelques jurons bien sentis, nous atteignons enfin le Col du Salenton. Il fait nettement plus frais et nous progressons doucement en direction des Chalets de Willy. La fatigue est à présent dans tous les organismes et nous avons hâte d’en finir avec cette énorme étape. Nous marchons dans une prairie interminable et ayant perdu un brin de lucidité, nous avons de la peine à estimer la distance nous séparant encore de ce fameux point de chute. Il est minuit, nous sommes partis vers 3h du matin de Champex et n’arrivons qu’à présent au refuge d’Anterne, tous épuisés. Sacrée journée ! Certes nous nous sommes octroyés de belles haltes mais ce fut très long, surtout sur la fin que nous avions sans doute sous-estimée. L’accueil est toujours aussi sympathique et la soupe aux légumes accompagnée de pâtes nous fait le plus grand bien avant d’aller nous allonger pour une dernière nuit en refuge. Réveil fixé à 6h du matin. C’est Byzance ! Bon petit déjeuner et c’est reparti les Kikis. Nous sommes remontés comme des coucous avec la certitude du devoir accompli et du travail bien fait en quelque sorte. L’apéro du dimanche est prévu sur le coup des 11h sur la ligne d’arrivée et rien ne saurait plus nous arrêter ! Au revoir Col d´Anterne (1.997m) et Pont d’Arlevé (1.558 m). De là, nous remontons une dernière fois de 750m. en direction du Brévent (2.366 m). Pause photo au Brévent en compagnie de nos Célestinettes et descente à fond de train en direction de Chamonix que nous pouvons déjà deviner. Le soleil est au zénith et les sensations optimales. Nous ralentissons la cadence car il reste encore 1‘300m de descente exigeante avant de toucher au but.    

Laurent souffre dans la descente et nous indique qu’il va terminer à son rythme. Nous prenons donc momentanément congé de lui. Nous nous retrouverons sur la ligne d’arrivée, tout sourire.

Nous entrons à présent dans Chamonix. Grand moment de bonheur lorsqu’on voit tout ce monde nous acclamant. On l’a refait !! Encore quelques mètres à planer et l’arrivée, le soulagement, cette joie indescriptible et le souvenir immédiat de tous ces moments partagés entre rires, doutes, sans oublier cette camaraderie de chaque instant. Oubliée la pluie de la 1ère nuit, il n’y a plus de fatigue, plus rien, juste une sensation de bien-être, de plénitude, de zenitude. Nos visages burinés, mal rasés et nos regards en disent long sur cette épreuve hors normes mais on peut surtout déceler une certaine fierté et une complicité sans failles dans cette belle et chaleureuse aventure humaine. Que du bonheur et même plus encore, même avec ces larmes de joie et de soulagement que je ne pourrais et voudrais jamais empêcher de ruisseler sur mes joues rougies par l’effort. Merci tout particulier à mes acolytes de toujours Pat et James pour tous ces moments de bonheur, pour leur solidarité lorsque j’étais dans le dur. Quelle belle équipe ! Le corps humain est bien fait et je suis reconnaissant envers ma mère de m’avoir donné la possibilité et la volonté de vivre pareils moments qui resteront à jamais gravé dans mon esprit.

Voilà, place maintenant aux festivité d’après-course. Quelques bières amplement méritées, une rétrospective sur le chaud de la course et des diverses émotions vécues par chacun. On se retrouve dans ces moments, les couplets varient mais le constat est le même pour tous : génial ! On remet le couvert en 2010 ? pourquoi pas…bande fous !

Bilan:

La PTL 2009 nous annonçait fièrement une distance bien plus longue que les 220 km de 2008. Le programme concocté par l’organisation nous prédisait 245 km et +/- 21‘000 m. Pari réussi avec quelques difficultés en sus. Pour finir, on en est arrivé à « seulement » 240 km et +/- 17’500m. Cela reste toujours imposant vous en conviendrez, surtout si on tient compte des conditions météorologiques et de la technicité du terrain rencontrés par endroits. On peut donc aisément le dire, cette édition fut nettement plus laborieuse et a donné à chacun la possibilité d’explorer une nouvelle dimension intérieure, d’effectuer une introspection personnelle et de connaître ses propres limites (en a-t-on vraiment ?). Ce fut mon cas et pour rien au monde je n’aurais voulu y renoncer. J’en ressors grandi. A vivre absolument…

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